Comprendre le rôle de l’armée dans l’espace

L’établissement d’organisations spatiales de défense parmi les nations spatiales signifie qu’elles doivent expliquer leur objectif et leur raison d’être aux côtés des branches bien établies des armées. Trois camps distincts ont émergé dans la tentative de caractériser le rôle des organisations spatiales de défense. Le premier groupe affirme que le domaine spatial ne doit pas être militarisé et prévient que le simple fait d’utiliser un langage le décrivant comme un environnement contesté transformera l’espace en un domaine de combat.

Le deuxième groupe affirme que l’espace est un domaine opérationnel et prévient que tout autre langage rendrait la guerre dans l’espace inévitable.

Le dernier groupe soutient que l’espace est un domaine de combat depuis le début de l’ère spatiale. Ils affirment que les développements du contre-espace de l’adversaire suggèrent que l’espace en tant que domaine opérationnel deviendra rapidement un domaine de combat.

Toutefois, en considérant l’espace en termes aussi tranchés, on ignore la réalité et on laisse croire que les États peuvent identifier et contrôler les stratégies des acteurs malveillants. Le fait est que l’espace est devenu un autre domaine dans lequel les humains interagissent pour commercer et devenir prospères. Et là où il y a des interactions humaines, la guerre est un danger omniprésent. Telle est la condition humaine.

Tenter d’encadrer le domaine spatial par des concepts binaires tels que « opérationnel et combat » entrave l’efficacité de la capacité des organisations spatiales de défense à prévoir les crises et à éviter les guerres.

La réponse d’Alfred Thayer Mahan, écrivain et penseur maritime américain du 19e siècle, à la question « Pourquoi avons-nous besoin d’une marine ? », était que l’accès à la mer était la voie d’une nation vers la prospérité à long terme, obtenue grâce aux interrelations entre le commerce, la richesse et la puissance. Selon lui, le but de la puissance navale est de créer un levier politique pour obtenir l’avantage en mer en exerçant une pression économique sur un adversaire. La participation aux batailles était secondaire par rapport à cet objectif. À travers ce prisme, Mahan a été capable d’articuler l’importance de la puissance maritime pour son pays.

L’argument nuancé de Mahan est important pour les organisations spatiales modernes, y compris les militaires, car il leur permet de faire comprendre l’importance de l’accès au domaine spatial et de la capacité d’y opérer. Par exemple, les technologies spatiales, telles que les systèmes mondiaux de navigation par satellite, sont essentielles dans la société actuelle. Le gouvernement britannique estime que la perte d’accès aux services mondiaux de positionnement, de navigation et de synchronisation pendant seulement cinq jours pourrait entraîner une perte économique de 5,2 milliards de livres (9,2 milliards de dollars).

Le fait que la plupart des biens spatiaux soient à double usage et qu’ils soient détenus et exploités par des civils et des militaires montre qu’il est pratiquement impossible de séparer les deux utilisations. En effet, la sécurité et la prospérité de l’État et de sa population ne s’excluent pas mutuellement. L’amélioration des technologies et les approches innovantes ont réduit les coûts tout en démocratisant l’accès à l’espace et en créant des défis et des opportunités. Ces développements ont également accru la congestion et la concurrence dans l’espace.

Pour les États démocratiques, les organisations spatiales militaires existent pour permettre la poursuite de la croissance amicale du secteur spatial, dissuader les acteurs malveillants grâce à des capacités crédibles et répondre avec des objectifs stratégiques clairs lorsque cela est nécessaire. Pour ce faire, elles doivent être en mesure d’opérer et de générer des effets dans, à travers et depuis l’espace. Et elles doivent développer les capacités nécessaires pour atteindre ces résultats en tant qu’organisations individuelles plutôt que d’être considérées comme des fournisseurs de fonctions habilitantes.

Mais il est également primordial qu’elles soutiennent l’élaboration de règles convenues pour un comportement responsable dans l’espace. Les lois relatives aux conflits armés dans les domaines terrestres ont évolué au cours de nombreux siècles, mais c’est un luxe que nous n’avons pas pour développer des cadres équivalents pour l’espace. En réglant ces questions, on lèvera d’emblée toute ambiguïté sur le rôle des organisations spatiales de défense. Et cela permettra d’encadrer l’argument par ce que les nations cherchent à atteindre plutôt que par les moyens disponibles pour y parvenir.

Deux tâches essentielles des organisations spatiales militaires consistent à garantir l’accès des forces de défense à l’espace en établissant des capacités spatiales résilientes et à dissuader ou empêcher un adversaire d’utiliser des capacités de contre-espace pour refuser l’accès aux systèmes spatiaux.

Cette réalité conduit au rôle essentiel de dissuasion spatiale, qui est lié au développement de l’accès garanti et englobe la mission de contrôle de l’espace. C’est cette mission – que le manuel de puissance spatiale de la Défense de 2022 décrit comme  » des opérations offensives et défensives visant à garantir la liberté d’action dans l’espace en mettant en échec les tentatives d’interférence ou d’attaque des systèmes spatiaux australiens ou alliés et, le cas échéant, en refusant des services spatiaux à un concurrent  » – qui est susceptible de susciter la controverse lorsqu’on examine la raison d’être d’une organisation spatiale de défense.

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